1-4 sept. 2015 Strasbourg (France)

Présentation

10e journées internationales LTT 2015 à Strasbourg :

« La création lexicale en situation : texte, genres, cultures »

 

Université de Strasbourg
Site de l’Esplanade

1-4 septembre 2015

 Avec le soutien de :

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L’objectif de ce colloque organisé par le réseau Lexicologie, Terminologie, Traduction (LTT) et l’Université de Strasbourg est d’examiner les nombreux rapports que les mots nouveaux (ex. vapoter, mot-dièse, évident (i.e. facile), fachosphère, vintage, etc.) entretiennent nécessairement avec leur contexte linguistique et extralinguistique.

En effet, qu’on l’appelle communément néologie, ou néonymie en terminologie, le processus général de création des mots nouveaux – dont l’emprunt et la néologie de sens par calque – n’est encore que trop rarement et isolément décrit dans la relation à la situation de communication où ces mots inédits apparaissent. Plus précisément, malgré les travaux pionniers des germanistes allemands et l'intérêt plus récent de la linguistique de corpus pour la néologie, l’approche contextuelle de la création lexicale peine à trouver sa place aux côtés des approches dominantes qui, pour l'essentiel, relèvent d’une problématique dusigne isolé de son contexte, comme en lexicographie ou en morphologie.

Or les unités lexicales nouvellement produites ne fonctionnent que dans une situation donnée et un texte particulier, y remplissant notamment un rôle communicationnel précis (désigner une chose, plaire, convaincre, etc.). Mieux, les procédés de formation des mots eux-mêmes (par dérivation, par composition, par métaphore, etc.), utilisés par les locuteurs pour produire leurs innovations lexicales, sont également contraints par plusieurs contextes, dont le genre textuel en jeu, la situation d’intercommunication et même l’environnement géoculturel.

Ainsi, concernant tout d’abord le texte comme contexte, la création lexicale est par exemple souvent suscitée par le titre de l’article de presse, de même que la « chute » offre au journaliste une position finale de texte propice à induire des effets rhétoriques au moyen d’un mot original et inconnu. Et d’une manière générale, la création d’un mot nouveau doit être conçue comme un événement marquant de la progression et de la cohésion textuelles. À un niveau de généralité supérieur, il apparaît en outre que certains genres de discours favorisent la création lexicale (la science-fiction, le slogan publicitaire, le discours politique), tandis que d’autres l’interdisent ou la limitent fortement (l’éloge funèbre, les documents officiels). De même, secteur à peine émergent de la recherche en linguistique, il existe des corrélations entre certains procédés de formation lexicale et des domaines/genres de discours particuliers (ex. en allemand, la composition marque beaucoup plus le discours journalistique que le domaine de la chimie ; la suffixation en –oïde est fortement associée au genre de la science-fiction, etc.). En terminologie, une illustration bien connue de ces corrélations est l’utilisation spécifique du latin scientifique, en botanique, pour désigner les plantes nouvellement découvertes. Mais plus globalement encore, on sait que la liberté créatrice des locuteurs, en matière de lexique, s’adapte à l’environnement extralinguistique lui-même (climat, flore, faune, artefacts, coutumes, etc.). Cette perspective écolinguistique s’illustre dans la francophonie, point fort traditionnel des colloques LTT : dépassant l’établissement utile des listes de vocabulaires locaux (caillasse, « monnaie » au Niger, etc.), des enquêtes ont montré des procédés de formation lexicale communs à plusieurs pays (la formation verbale en –er, cigaretter, siester, etc.) ou spécifiques d’une région (les suffixes en –eur/-euse sont plus fréquents en Centrafrique qu’au Québec). Des français d’Afrique autonomes seraient ainsi en train d’émerger en normalisant, notamment, des procédés d’innovation lexicale locaux. Enfin et surtout, tous les types de contexte que nous venons d’évoquer sont cruciaux pour la compréhension du sens de chaque mot nouveau, car l’interprétation des mots réalisée par le locuteur mobilise non seulement le contexte linguistique (la langue et le texte), mais aussi potentiellement tous les autres types de contexte.

En résumé, outre le phénomène de l’interprétation des mots nouveaux, aucun locuteur d’une langue ne crée jamais sans contraintes ni motifs d’agir et la finalité de son activité créatrice s’adapte ainsi aux circonstances linguistiques et extralinguistiques (Coseriu 1958). À cet égard, le traducteur incarne bien entendu un locuteur particulier dont la pratique implique notamment une créativité lexicale respectueuse de conditions textuelles et culturelles, qu’il s’agisse de littérature, de science ou de technique.

Mais les rapports entre mots ou sens nouveaux et contexte(s) se déclinent encore sur une autre dimension que la production des innovations lexicales, celle de leur diffusion. Leur diffusion collective dépend en effet elle aussi des circonstances de la communication, où les genres discursifs apparaissent jouer un rôle important. Ainsi, le vocabulaire né pendant la Première Guerre mondiale s’est à cette époque propagé différemment selon les genres (ex. boche s’emploie surtout dans le roman, alors qu’avion se diffuse par le journal intime). En lexicologie diachronique, ce problème de l’incidence des contextes, et en particulier des genres, quant au devenir historique des innovations lexicales, se pose ainsi : le parcours de diffusion d’un mot nouveau ne consiste pas à relier sans médiation un moment initial de création dans un texte donné et un moment final d’intégration « en langue ». Car entre ces deux moments il existe de nombreux stades de propagation : adoption individuelle (idiolectale), diffusion au sein d’un seul genre (une théorie, au sens de « suite de » n’existe que dans le roman), scénarios de diffusion au sein d’un domaine de discours (ex. usage immédiat de principe de subsidiarité dans les différentes versions linguistiques des normes européennes vs. usage localisé et concurrentiel de termes techniques comme thermopompe et pompe thermique), diffusion d’un domaine à un autre uniquement (isotopie, de la chimie à la linguistique), etc. Cette sorte de description permet d’affiner l’approche diachronique du lexique des langues et concerne aussi la terminologie où il est certes question de « domaines » (ex. médical), mais aussi de genres discursifs au sein de ces domaines (ex. consultation, ordonnance, posologie, etc.).

D’autre part, la création des nouvelles unités lexicales ou terminologiques pose des problèmes en Traitement Automatique des Langues, qu’il s’agisse de leur identification automatique, ou de la mise à jour des ressources et des outils nécessaires pour l’analyse automatique de textes.

Afin de renforcer cette thématique émergente de la recherche contemporaine, en lexicologie, terminologie et traduction, les organisateurs de ce colloque invitent les futurs participants à éclairer les rapports entre mots ou sens nouveaux et contexte(s), soit sous l’angle de l’innovation soit sous l’angle de la diffusion lexicale. À titre de pistes de réflexion, on pourra investir des questions d’ordre théorique ou empirique :

  • Qu’est-ce qu’une « bonne » innovation en traduction, en terminologie, et en quoi la réussite de la création tient-elle à l’adéquation au(x) contexte(s) ?
  • Quelle relation y a-t-il entre la fonction communicationnelle remplie par un mot nouveau et les normes du genre discursif où il a été produit ?
  • Quelles sont les conditions d’une diffusion maximale d’une création lexicale ? Quelle typologie des différents stades de la diffusion collective des créations lexicales ?  Y a-t-il des scénarios de diffusion caractéristiques au sein de domaines de discours particuliers (en science et techniques, en droit, dans la presse, en littérature, etc.) ?
  • Dans l’activité des traducteurs et des terminologues, en quoi la situation culturelle au sens large, les normes de genre et les contraintes  textuelles orientent la création de mots/termes nouveaux ? Quelles sont les stratégies d’adaptation au contexte en traduction en vue permettant de surmonter les différences de procédés de création entre deux langues ?
  • Comment le français, mais aussi d’autres langues, s’acclimate-t-il en Afrique, au Québec, en Suisse, etc. ? L’innovation lexicale des locuteurs s’y distingue-t-elle par des procédés de création particuliers ? Quels sont les procédés communs à telles ou telles zones de la francophonie ? Comment se manifeste l’incidence de l’environnement géo-culturel sur l’innovation lexicale ? Qu’en est-il des relais discursifs de la diffusion collective de ces innovations : genres des médias (oraux/écrits), genres littéraires, scientifiques, juridiques, etc. ?
  • Quelles stratégies et méthodes adopter dans l’élaboration des outils de Traitement Automatique des Langues pour identifier les innovations lexicales ? Comment représenter le genre pour exploiter cette dimension dans des logiciels d’analyse automatique du texte ? Comment documenter ces innovations dans des ressources lexicales (bases terminologiques, bases lexico-sémantiques, dictionnaires) ?

Liste des membres du comité scientifique par ordre alphabétique patronymique :

Diana Abi-Abboud Issa (Université Saint-Joseph, Beyrouth)
Ibrahim Ben Mrad (Université de Tunis-La Manouba)
Delphine Bernhard (Université de Strasbourg)
Xavier Blanco (Université autonome de Barcelone)
Manuel Célio Conceiçao (Université d’Algarve)
Maryvonne Boisseau (Université de Strasbourg)
Aïcha Bouhjar (Institut royal de la culture amazighe, Rabat)
Anne Condamines (Université de Toulouse)
Mame Thierno Cissé (Université Cheikh Anta Diop, Dakar)
Patrick Drouin (Université de Montréal)
Christophe Gérard (Université de Strasbourg)
Thierry Grass (Université de Strasbourg)
Gabrielle Le Tallec Lloret (Université de Paris 13)
Teresa Lino (Université nouvelle de Lisbonne)
Mathieu Mangeot-Nagata (Université de Grenoble)
François Maniez (Université de Lyon 2)
Salah Mejri (Université de Paris 13)
Franck Neveu (Université de Paris-Sorbonne)
Michel Musiol (UMR ATILF – Université de Lorraine)
Jean-François Sablayrolles (Université de Paris13)
Inès Sfar (Université de Paris Sorbonne)
Philippe Thoiron (Université de Lyon 2)
Amalia Todirascu (Université de Strasbourg)
Marc Van Campenhoudt (Institut supérieur de traducteurs et interprètes, Bruxelles)

Calendrier du colloque

Journées 1+2 (mardi 1er et mercredi 2 septembre 2015) : journées de formations (Formations)

Au programme de ces journées de formation en salle informatique (à confirmer) :

  • OmegaT (logiciel de mémoire de traduction)
  • Plateforme R (boîte à outils de traitement statistique)
  • Professionnalisation (comment professionnaliser un cursus en langues et traduction)
  • TXM (logiciel de textométrie)
  • Unitex (plateforme d’annotation et d’exploitation de corpus)

Journées 3+4 (jeudi 3 et vendredi 4 septembre 2015) : colloque proprement dit

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